Les 21 et 22 octobre 2025 s’est tenu à Venise, dans le cadre du projet co-financé par l’Union Européen, VR-DIGIJUST, la conférence de clôture « Justice et Intelligence Artificielle : Droits, Responsabilités et Compétences dans la nouvelle ère digitale ». L’Union internationale des huissiers de justice y était représentée par Charlotte Choquet, expert UIHJ et candidate huissier de justice en Belgique.
La première journée était consacrée à la présentation et à la démonstration de la plateforme VR-DIGIJUST, développée par Agenfor International. Son directeur, Sergio Bianchi, a exposé les risques liés à l’intelligence artificielle et l’importance de diffuser des informations vérifiées. Conçue comme un environnement de type jeu vidéo, la plateforme permet d’évoluer dans des bâtiments numériques — accueil, bibliothèque, salles de cours, tribunal, jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. La bibliothèque rassemble des documents juridiques, des présentations et des vidéos dont les sources sont rigoureusement contrôlées, tandis que le tribunal autorise la simulation d’audiences.
Les perspectives pédagogiques sont nombreuses : interaction avec des avatars-assistants capables de dialoguer dans toutes les langues, scénarios immersifs et cas pratiques. Lors du workshop, les participants ont testé la plateforme à travers un dossier fictif de trafic d’êtres humains, en collectant des preuves et en sélectionnant les éléments utiles à la procédure.
La seconde journée s’est concentrée sur les risques de l’IA et la protection des droits fondamentaux. Ont été abordés l’usage des outils de visioconférence pour les audiences (présentation de Mme Giovanni Canzio, présidente émérite de la Cour de cassation italienne), les risques liés aux traductions juridiques (par M. Sami Kodia, expert judiciaire auprès de la cour d’appel de Douai), la résolution de questions éthiques pour les programmeurs, ainsi que les dangers de la justice prédictive (par M. Frédéric Cappelletti, avocat et co-président de l’Observatoire sur le droit européen de l’Union des chambres correctionnelles italiennes). Un consensus s’est dégagé : la décision doit rester entre les mains du juge.
Les interventions ont également interrogé les biais de l’IA et évoqué l’affaire récente Raine vs OpenAI. Comme l’a souligné Mme Sarah Holland-Kunkel, chercheuse et professeure en droits fondamentaux, l’exemple d’un système qui « voit » un loup sur la photo d’un husky parce qu’il y a de la neige illustre les failles possibles de ces technologies.
Encadrer l’usage de l’IA et garantir le respect des droits fondamentaux — droit à un procès équitable, présomption d’innocence, vie privée, non-discrimination — apparaît essentiel. Cette conférence a mis en lumière les nombreux points d’attention de cette nouvelle ère et les évolutions législatives européennes en cours. Les États devront s’y adapter, tout comme les huissiers de justice, garants concrets du droit à un procès équitable.





